How does it feel to be alive again? ((Yoojin))

Personne te connait vraiment. Personne cherche à le faire non plus. Tu fais peur avec tes tatouages, tes piercings et ta gueule d’assassin. Ton seul crime, c’est celui d’avoir vendu de la drogue. T’as jamais levé la main sur qui que ce soit. Tu cherches jamais à te défendre et tu préfères laisser les gens penser ce qu’ils veulent de toi. Si t’as l’air d’un mauvais garçon, t’en es pas pour autant insensible. Au contraire. T’as toujours eu un côté protecteur, une sensibilité un peu trop développé pour ton cœur déjà bien abimé. T’es observateur. Tu parles pas souvent, mais quand tu parles, tu dis ce que penses. T’es percutant dans tes propos. T’as pas non plus dénué d’un sens de l’humour même si t’as perdu ton envie de sourire et de rire depuis très longtemps. T’es discret la plupart du temps mais t’hésite pas à te battre contre l’injustice. Tu peux pas nier que parfois, t’as du mal à contrôler ta colère. Celle qui nait de ton intarissable chagrin. Tu te lies pas facilement, parce que t’as trop peur d’être blessé à nouveau. De perdre ce à quoi tu tiens.

Hey. Salut Junho.

Tu te souviens le jour où on s’est rencontré ? Moi je pourrais jamais l’oublier. T’as balancé ton sac à dos sur le type qui m’emmerdait. Celui qui se moquait toujours de mon prénom parce qu’il le trouvait féminin. Il était plus grand que toi mais t’as pas hésité une seconde. Ce jour-là, j’ai su que j’avais rencontré mon meilleur ami. Tu te fichais que ma mère soit qu’une hippie défoncée la moitié du temps, ou bien que mes vêtements soient rafistolés. Tu te fichais que je connaisse pas mon père ou que je sois pas très intelligent. T’étais différent de tous les autres. Tu m’as offert une place dans ton foyer, dans ta famille bien plus stable que la mienne. Tu m’as sauvé la vie ce jour-là. Une vie que je dois vivre sans toi aujourd’hui. Et je t’en veux tellement.

J’essaye d’oublier. Nos années de collège. Celle où tu m’as initié au basketball malgré ma petite taille. Je me suis étonné moi-même, d’être aussi bon. T’étais toujours au premier rang durant mes matchs, tes parents aussi. Vous aviez la plus grosse pancarte. T’avais passé la nuit à coller chaque paillette pour être certain que le reste du monde voit mon nom. On allait fumer derrière le gymnase. Tu te souviens, on se prenait vraiment pour des mauvais garçons. Je portais des jeans troués parce que les miens étaient trop abimés. T’as coupé les tiens, sans réfléchir. J’étais sombre et toi, t’étais solaire. Le genre qui attire les autres, le genre dont le sourire fait chavirer l’univers.

On est entré au lycée. Ensemble. On a survécu, toi et moi. Tu m’as accueilli quand le nouveau mec de ma mère à commencer à me frapper. On en a fait des conneries. Sortir le soir pour boire au bord de la rivière. Trainer avec des mecs plus vieux pour essayer leur moto. Moi j’avais qu’un vieux vélo qui déraillait tout le temps et toi, tu t’asseyais toujours sur le guidon. Et puis t’as eu ta première copine. J’étais heureux pour toi. Vraiment. Tu l’aimais. Et moi je continuais de repousser celles qui semblaient vouloir me connaître. J’étais pas prêt à laisser quelqu’un d’autre entrer dans ma vie. Tu trouvais du temps pour moi. Pour ne pas me laisser croire que je comptais moins pour toi. Je crois que j’ai pris mes distances pour ne pas faire foirer ta relation. J’ai commencé à boire. Un peu plus souvent pour combler le manque de ta présence.

Junho. Pourquoi t’as fait ça ? Pourquoi tu m’as hurlé dessus que tu m’aimais avant de disparaître ? Pourquoi tu m’as pas laissé le temps de te répondre ? Même si y’avait toujours une fille différente dans mon lit, ça changeait rien à ce que je ressentais pour toi. Ça avait toujours été là. Cet amour entre nous. On le pensait fraternel. C’était autre chose. Pourquoi t’as claqué la porte au beau milieu de la nuit et complètement ivre. Pourquoi t’as pas regardé en traversant la rue ? Ce soir là, tu m’as tout pris. Absolument tout. J’ai pas su te retenir. Est-ce que tu me détestes ?

Je savais pas vivre sans toi. Je me suis tiré de chez toi. C’était tellement difficile d’avoir tous ses souvenirs autour de moi. J’ai bu à en crever. Je voulais mourir. Te retrouver sur ton bout d’étoile sur lequel tu m’attendais. Je me suis retrouvé à vendre de la drogue. A en prendre. Comme ma cinglée de mère. Je me suis laissé dépérir dans l’espoir de nous réunir. J’ai pas fini le lycée. J’avais pas la force. Mais je me suis retrouvé en taule. Enfermé dans une cage. Je le méritais pour ne pas t’avoir sauvé. Cinq ans, c’est long tu sais. Depuis que t’es parti, je vis dans un cauchemar sans fin. La prison, elle m’a rendu sobre. Et je t’ai écrit. Chaque jour.

Tu sais que parfois je t’envoie encore des messages. Par habitude. Ta mère, elle a jamais coupé ta ligne de téléphone. Pour moi. Pour que je puisse encore entendre le son de ta voix sur ton stupide répondeur. Elle est venue me voir. Je me sens coupable. De l’avoir forcé à se déplacer dans un endroit aussi sinistre. Elle m’a jamais lâché. Je pensais qu’elle l’aurait fait. Avec toutes mes conneries. Avec ma réputation. Mais non. Elle était là à ma sortie. Elle a dit que tu la pardonnerais pas si elle me laissait tomber. Putain Junho. Comment est-ce que je vais pouvoir avancer sans toi ? Je t’entends me dire de passer à autre chose. D’être heureux. Mais je peux pas.

J’enchaine les petits boulots pour payer le loyer. Ça aussi c’est grâce à ta mère. Elle m’a aidé à trouver un appartement. C’est dans un quartier merdique mais je peux rejoindre la rivière en quelques minutes. J’y passe souvent la nuit quand je suis pas en train de livrer des pizzas. Tu te serais bien foutu de ma gueule avec mon uniforme et ma petite casquette rouge. Les filles ont l’air de trouver ça séduisant, ça…ou mes tatouages. Le genre de chose qu’on aurait fait ensemble. Je parle de toi, parfois, à mes réunions des alcooliques anonymes. Ouais. Je reste sobre. Je sais même pas pourquoi. Ce que je sais c’est qu’on se retrouvera un jour. Bientôt. A mes trente ans, je te rejoindrais. C’est une promesse.

Encore une lettre que je n’enverrais pas et qui finira dans mon placard. C’était pas comme si t’allais la recevoir. J’ai mis l’adresse. Mais la galaxie, elle est trop grande. Je pense que tu la recevras pas. Tu me manques mon pote. Tu me manques tellement que parfois j’arrive plus à respirer. Et puis je regarde le ciel et je sais que tes yeux sont posés sur moi. Attend ma prochaine lettre ok ? Elle devrait pas tarder.