(( ootd )) C’était une journée comme une autre. Le réveil avait sonné coupant net le rêve sans forme et sans visages que faisait la jeune femme dans son petit lit sous la fenêtre. Un grognement et quelques étirements plus tard elle se prenait un grand verre de lait de soja au chocolat et grignotait un reste de riz froid qu’elle avait sorti du frigidaire. Elle avait ensuite pris une douche rapide, coiffé ses cheveux afin qu’aucune mèche ne dépasse de son carré bien ordonné, appliquant un maquillage simple et pas trop voyant tout en essayant de cacher ses traits trop enfantin. Elle avait beau faire tous les régimes du monde, elle n’arrivait pas à se débarrasser de ce visage poupon aux joues rebondit et de cet air de petite fille. La demoiselle ne l’avouerait certainement jamais mais elle n’aimait pas vraiment son visage, elle faisait juste comme s’il n’était pas là dans la vie de tous les jours. Parfois elle enviait même ses amies qui avaient toutes de si jolis visages ovales aux pommettes hautes. Mais la génétique en avait fait autrement pour elle. Appliquant son gloss puis quelques gouttes de parfum, la demoiselle finie par se glisser dans son tailleur rose. Aujourd’hui ce serait le rose. Elle accorda ses chaussures à petit talon avec son sac blanc cassé. On aurait dit qu’elle sortait d’une tout autre époque, sosie de Jackie Kennedy.
Cha Myung Hee était prête. Son téléphone dans une main, ses écouteurs dans l’autre, son sac sur l’épaule ; prête à affronter le monde et à donner le meilleur d’elle-même car elle n’avait pas bien le choix au fond. Il fallait bien manger et travailler, et bien qu’elle ne fût qu’un tout petit rouage dans l’univers de l’art coréen, elle aimait son travail. C’était toujours plus gratifiant que toutes ces années où elle n’avait été qu’un fantôme, une chose qu’on ne regarde même pas, tandis qu’elle vendait des vêtements à des femmes qui ne faisaient que dépenser l’argent de leurs époux.
Descendant les marches de l’immeuble, Myung Hee se concentra pour ne pas tomber. La chaleur de ce début de matinée la prit un peu à la gorge et elle souffla. Quelques marches plus basses elle se retrouva dans la ruelle qui descendait en serpentant vers les transports en communs qu’elle utilisait pour se rendre à son travail.
Un dernier soupire sortie de sa bouche afin de se donner du courage pour la journée, son regard déterminé porté sur la ruelle. Elle ferait de son mieux, comme elle faisait toujours.
Ses premiers pas s’arrêtèrent pourtant net tandis qu’elle apercevait du mouvement du coin de l’œil sur l’air de jeu pour enfants aux structures de couleurs délavés. Habituellement la jeune Cha serait certainement passé sans rien dire à laisser les enfants de ce quartier jouer sans trop s’en préoccuper, mais elle cru reconnaître un instant Min Ah, sa petite voisine si charmante et dont Myung Hee se méfiait du père qu’elle trouvait négligeant.
S’approchant doucement, la tête redressée et ne faisant pas attention à ses talons qui claquaient légèrement sur le bitume, l’assistante d’Ochiwa se retrouva à écarquiller les yeux, les rendant rond comme des billes et agrippa plus fermement son téléphone d’un côté et son sac de l’autre.
N’écoutant que son courage elle se mit à courir un peu, déséquilibrée sur ses chaussures et dans un reflexe presque désespéré, elle attrapa d’un coup la veste de l’adulte qui tenait la main de Min Ah et s’emblait la sortir du parc pour enfant. Myung Hee en était persuadé à trois cents pour cent, cet homme n’était pas le père de la petite fille, et elle ne le laisserait pas la kidnapper.
«
Arrêtez-vous tout de suite ! Qu’est ce que vous faites avec cette enfant ?! Si vous lui faites du mal j’appelle la police !» demandât-elle en forçant l’homme à se retourner vers elle, le tenant si fermement par sa veste qu’elle aurait pu en faire craquer sa manucure.
De son autre main, elle attrapât la main libre de Min Ah et la tira vers elle en continuant de soutenir le regard de l’inconnu. Il était couvert de tatouage, elle n’avait pas le souvenir de l’avoir vu précédemment dans la résidence, physiquement on ne pouvait pas dire qu’il ressemblait à un membre de la famille de la petite fille et il avait une dégaine de … Non Myung Hee ne ferait pas de considération hâtive, mais elle était à peu près certaine qu’elle devait agir pour protéger la petite fille.
Au fond d’elle cela faisait des mois qu’elle voulait avoir une discussion à cœur ouvert avec la grand-mère de la petite qui faisait tout pour qu’elle vive correctement malgré le père négligeant qu’elle avait. La voir avec cet inconnu ne faisait que bouillir son sang encore et la forçait à agir sans réfléchir.
«
Min Ah reste derrière moi ma chérie. » ajouta-t-elle à l’adresse de l’enfant en la tirant un peu vers elle tout en essayant de tenir, tête haute face à l’homme qui se trouvait devant elle, oubliant ses propres craintes et son propre instinct de survie malgré son cœur qui battait la chamade dans sa poitrine.